Par-delà la falaise
Le jour où tu t'es envolée dans la nuit sombre, vent dans le dos, le souffle de cette liberté qui te faisait tant défaut ici-bas te guidait. Ce n'est pas peu dire, te concernant, qu'il s'est agi de l'acte le plus radical de ta vie. Une suite logique, une ponctuation finale — comme dans un roman que tu aurais pu écrire. Peut-être même mieux que cela. C'était une performance artistique complète.
Alors, nous nous sommes réuni·es. Nous avons souffert et nous avons pleuré, beaucoup. Nous avons lu et écouté de beaux éloges. Le monde que nous méprisons a cette fâcheuse tendance à considérer que la valeur d'une vie se mesure au nombre d'années écoulées. Ça t'aurait fait plaisir d'autant leur donner tort : l'empreinte que tu as apposée sur les âmes qui ont croisé ta route en est un évident témoignage.
Personnellement, tu m'impressionnais beaucoup ; pour cette raison, je t'ai peu parlé. Heureusement, tu aimais les échanges épistolaires. Malheureusement, tu changeais si souvent d'adresse...
Nos petits ressentis égoïstes n'ont pas leur place dans ton récit. Tu nous a donné à voir ce qui nous interpelle, nous dérange, nous terrifie parfois — jusqu'à la fin. Et dans les regards, les étreintes partagées en ton hommage, l'espace d'une journée, s'entremêlaient la rage farouche de vivre pour certain·es, les doutes sur l'avenir pour d'autres, enfin les craintes de provoquer tant de peine en reproduisant le funeste scénario.
En repensant à toi, l'incompréhension le dispute à l'admiration. Mais je n'ai pas besoin de comprendre, et ce n'est pas mon histoire. Alors, à toi, provocatrice de sentiments, je dédie ce simple texte, comme un hymne à une vie pleinement vécue.