L'écureuil et le banquier

Un matin d’octobre, l’écureuil de la forêt de Bois-Joli
Après avoir bourlingué toute sa vie
Réalisa qu’il ne lui manquait qu’un bel abri
Pour y couler une retraite heureuse et épanouie.
Pour lui, bricoleur né, ce n’était pas ardu ;
Tout équipé, bille en tête, fier et têtu,
Il posa ses fondations dans un conifère velu.

Le banquier, qui par hasard passait par là
Lança « Mais enfin, vous n’y pensez pas !
Vous n’êtes pas sans savoir que ce terrain est à l’État.
Contre un prêt de rien de tout, il vous appartiendra.
Passez donc à l’agence, et l’on en discutera ! »

L’écureuil, quoiqu’un peu surpris par ce ton familier
Décida qu’il ne s’en laisserait pas conter.
Après tout, il avait des économies de côté ;
Tel la cigale, il avait beaucoup travaillé
Sans pour autant se priver de chanter.
Il se mit en route vers la banque, et embarqua
Tous ses fruits, noix, et glands de premier choix.

Le banquier, le voyant arriver, ricanait
« A-t-on déjà vu une bourse aux noisettes ?
Et puis, quoi encore, une bourse aux navets ?
Chaque animal de la forêt sait que sur cette planète
C’est en dollars américains que tout se vend et s’achète. »

Une fois l’honteux taux de change accepté
L’animal put se remettre à son chantier.
Et bien des années plus tard, après avoir trimé
Cinquante heures par semaine, comme nul autre avant lui
Sciant les planches, maniant béton et crépi
Le petit écureuil avait fini son logis.
Fou de joie, il rassembla ses cartons et papiers
Il était enfin venu, le temps de déménager !

Le banquier surgit, toujours d’un air livide
Et l’apostropha : « C’est interdit à cause du Covid ! »
Lassé de négocier avec un être si cupide
L’écureuil l’assoma d’un bon coup de guitare ;
Depuis lors, tout Bois-Joli chante à sa gloire.
La morale de cette histoire à deux dollars
C’est que tous les humains peuvent aller se faire voir !

  • Atelier d’écriture du 18 janvier 2020
  • Thème : un écureuil qui veut construire une maison dans un arbre
  • Forme libre
  • 40 mn