Un an

24 août 2020. Date symbolique, où après des mois de réflexions et de doutes, d’hésitations sur mes pronoms, de tentatives de style plus ou moins androgynes et d’expérimentations capillaires, j’ai véritablement commencé ma transition. C’est ce jour que, poussée par une force inconnue, j’ai osé aller acheter quelques vêtements féminins à Kiabi, bravant la honte et les regards. C’est avec une blouse verte à fleurs que je poserai timidement en selfie, sur mon balcon. Cette photo sera envoyée, sans aucune phrase de contexte, à quelques ami·es très proches.

Bien entendu, aujourd’hui, l’image prête à sourire. Il faut dire que depuis, beaucoup de choses se sont enchaînées. Toutes ces étapes que les femmes trans ne racontent pas forcément : les premières sorties en public, le choix d’un nouveau prénom, les couches de fond de teint pour masquer la barbe honteuse, les coming-out, les trop nombreux rendez-vous médicaux, les prises de sang, les séances de laser, les hormones, les violences, le mégenrage, les galères administratives, les moments passés devant le miroir à se dire qu’on est rien d’autre qu’un monstre difforme, les pulsions suicidaires face à une société qui reconnait à peine notre existence, les remarques fétichisantes et déshumanisantes d’un oncle ou d’un voisin, l’indifférence et le mépris de celles et ceux dont on attendait le soutien…

Et puis durant tout ce parcours, fait de bosses et de creux, il y a eu les rencontres avec des sœurs. Mes semblables, mes amies. Ces visages, ces corps, ces âmes toutes différentes et pourtant mues par une seule énergie. Celles que j’aime tant et qui m’ont permis de m’aimer moi aussi. Mais aussi, toustes celleux qui, de par le simple fait d’exister, savatent allègrement les antiques définitions. Transpédégouines, lesbo-pédales, mes queeros énervé·es, mes amours.

Un an, donc. Voilà un an que ma vie ne fait que commencer. N’importe qui m’ayant connu avant sait à quel point je suis désormais plus libre, plus belle, plus épanouie. Aussi, dites-le, répétez-le à quiconque prétendra le contraire : nous sommes vivantes, nous sommes heureuses, nous continuerons à prendre de la place dans votre champ de vision. Et m’inclure dans ce « nous » est, sûrement, la plus grande fierté de mon existence.

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